Approvisionnement & circuits courts

L’approvisionnement, un enjeu de taille pour la sauvegarde de notre patrimoine bâti

Le sujet de l’approvisionnement en lauzes est un enjeu de taille, tant sur l’aspect qualitatif, quantitatif qu’en termes de structuration de la filière en circuits courts.

Cet enjeu dépasse largement la profession des Couvreurs Lauziers, car de la pérennité et de la qualité des sources d’approvisionnement dépendent aussi la pérennité du patrimoine bâti actuellement couvert en lauzes.

Or, la plupart du temps, ce patrimoine bâti reflète l’identité d’un département, d’une micro-région, d’un village classé, d’un centre-ville médiéval … Il symbolise un style architectural, une histoire, et participe pleinement à l’image et donc à l’attractivité des lieux.

Quand l’accès à une ressource locale et de qualité tend à être menacé, c’est donc le patrimoine de nos régions qui progressivement se fragilise. Dans le pire des cas, comme on le voit de plus en plus souvent, l’appel à des ressources provenant d’ailleurs (hors UE) vient malheureusement combler le besoin.

Une demande plus forte que l’offre

Actuellement, la demande en lauzes est importante sur deux matériaux, le schiste et le calcaire. Les artisans lauziers rencontrent des difficultés pour se fournir en lauzes neuves de qualité : délais d’attente très longs, très peu de producteurs de lauzes au niveau national, produit non qualifié et donc non garanti par les carriers …

Le dialogue entre artisans lauziers et carriers n’est pas toujours évident : les besoins des artisans ne sont pas toujours bien compris par les carriers, le manque de concurrence dans ce secteur induit une certaine « dépendance » des artisans au fonctionnement des carriers. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’instance de dialogue entre ces professions, qui entretiennent essentiellement des relations économiques.

Les relations entre carriers et artisans ne sont pas forcément basées sur une logique de proximité mais plutôt sur une logique de disponibilité de la ressource ; certains artisans viennent de très loin pour se fournir sur les territoires d’approvisionnement, ce qui pose de nombreuses questions sur le coût du transport mais aussi sur la capacité des carriers à répondre aux besoins du territoire.

Face à l’épuisement des ressources secondaires (issues du recyclage/démolition) et, parallèlement, à la dynamique du marché de la lauze, il est urgent d’anticiper les besoins futurs et de résoudre les problématiques actuelles, afin de ne pas stopper le développement positif de la filière.

Une concertation lancée dans le cadre du programme LAUBAPRO

Une action structurante a été menée en collaboration avec ABPS avec un groupe de travail pilote durant le programme Laubapro. Composé de plusieurs carriers artisanaux du Massif Central, d’artisans lauziers, de bâtisseurs en pierres sèches et d’un architecte, ce groupe a été animé avec l’accompagnement de l’IMT Alès. le travail a été mené d’abord autour d’entretiens individuels en carrière, puis structuré par des réunions régulières couplées à des visites collectives en carrières (5 journées au total). Ce travail collectif a permis de poser les premiers constats, d’établir un état des lieux partagé et de mettre d’accord les acteurs sur les enjeux de l’approvisionnement. Au delà, ce travail a permis de générer un collectif autour de valeurs communes, et ayant l’objectif de maintenir, développer et pérenniser cette typologie de carrière spécifique, que l’on peut nommer carrières artisanales et patrimoniales. Plusieurs objectifs sont ressortis de ce groupe de travail, et sont aujourd’hui inscrits dans le prochain programme d’action (de Laubapro vers Lauba’Eco) :

  • Le premier objectif consiste à continuer le travail entrepris, à encourager la mise en réseau des acteurs de la ressource, à mettre en valeur et assurer la sauvegarde des carrières à travers la fédération et la valorisation des carrières de la filière via une charte collective et partagée et une entité juridique représentative.
  • Le second objectif consiste à développer des outils numériques pour sauvegarder et transmettre les gestes professionnels en carrière à travers la création de capsules vidéo des gestes professionnels liés aux métiers de la filière (carriers phonolite, schiste, calcaire).

Autres travaux en cours et retours d’expériences

L’association ALC est investie pleinement sur les questions d’approvisionnement et a participé ou mène actuellement, avec d’autres partenaires, plusieurs travaux sur la diversification des sources d’approvisionnement (carrières déclarées, réutilisation), pour la reconnaissance des carrières « artisanales et patrimoniales », et afin de rendre plus attractif le métier de carrier :

  • Edition en 2022, par le PnR des Causses du Quercy, d’une publication à laquelle l’association ALC a participé : Guide technique d’extraction de lauzes calcaires en micro-carrières ;
  • Action pilotée par l’IMT Mines Alès permettant d’établir un référencement cartographié des gisements possibles pour l’artisanat du bâti en pierres sèche et de la couverture en lauze à l’échelle de plusieurs départements du Massif Central, pour plusieurs matériaux (calcaire, schiste, phonolite) ;
  • Action pilotée par l’IMT Mines Alès visant la réalisation d’un guide de bonnes pratiques pour l’exploitation d’une carrière artisanale. Cette action a permis d’intégrer l’ingénierie d’une formation technique destinée aux carriers artisanaux (ouvertures, législation…) et l’expérimentation d’un module de formation dispensé en novembre et décembre 2022 ;
  • Etude des sites potentiels de gisements de lauzes calcaires sur le périmètre du PnR des Grands Causses. ALC a accompagné le travail de stage réalisé par Nathan Gheeraert (échanges sur la méthodologie, les ressources à mobiliser, participation des lauziers aux identifications et visites de sites potentiels) ;
  • Retour d’expérience d’un couvreur en carrière : un membre d’ALC a envoyé un de ses salariés expérimenter le travail en carrière pendant deux mois, au sein des carrières de schiste de Lachamp. Ce salarié a retranscrit cette expérience sous la forme d’une interview écrite ;
  • Une action est également menée par le PnR Aubrac. Elle porte comme objectif de créer des stocks de pierre et des bourses de matériaux et de développer un outil transférable d’information et de consultation de la ressource pierre disponible : « les pierres collectives » ;
  • Enfin, la Communauté de Communes Comtal Lot Truyère a porté une action dont le but est de créer une méthodologie de maintien de ressources locales à destination des élus des collectivités territoriales, basée sur sa propre expérience d’accompagnement à la reprise et réouverture de la carrière du Cayrol. Cette démarche est retranscrite dans cette vidéo de la renaissance de la carrière du Cayrol.